JAMBLIQUE
TRAITÉ DE L'ÂME ET FRAGMENTS DIVERS.
3. LETTRE SUR LE DESTIN.
TRAITÉ DE L'ÂME PAR JAMBLIQUE ET FRAGMENTS DIVERS. TRAITÉ DE L'ÂME. — I. Questions que soulève l'étude de l'âme. II. De l'Essence de l'âme. III. Des Facultés. IV. Du Nombre des facultés. V-VII. Des Facultés qui constituent l'essence de l'âme. VIII. Des opérations. IX. Des Actes. X. Du Nombre des âmes. XI. De la Descente des âmes. XII. De la Différence qui existe dans la descente des âmes. XIII-XIV. De la Vie de l'âme dans le corps. XV. De la Mort. XVI. De la Purification. XVII. De la Récompense. COMMENTAIRE DU TRAITÉ D'ARISTOTE SUR L'ÂME. - XVIII. Des Sens. XIX. De la Vue. XX. Du Sens interne. XXI. De l'imagination. XXII-XXIII. De l'Intelligence. LETTRE SUR LE DESTIN.
LETTRE DE JAMBLIQUE A MACEDONIUS SUR LE DESTIN. (01) I. Tous les êtres doivent à l'Un leur existence : car l'Être premier dérive immédiatement de l'Un. A plus forte raison; les causes universelles doivent à l'Un leur puissance efficace, sont contenues dans un seul enchaînement et se rapportent au principe qui est antérieur à la multitude. De cette manière, comme les causes qui constituent la Nature sont multiples, qu'elles appartiennent à des genres différents et dépendent de plusieurs principes, la multitude dépend d'une Cause unique et universelle, toutes choses sont enchaînées ensemble par un lien unique, et la liaison des causes multiples remonte à la puissance unique de la Cause la plus compréhensive. Cet enchaînement unique est tendu confus par la multiplicité des êtres; il ne produit pas une union qui soit distincte de la liaison des choses et il ne pénètre pas dans les individus; mais, par la connexion unique des causes (02), connexion qui constitue l'ordre suprême, cet enchaînement unique produit et lie toutes choses en lui-même et les ramène uniformément à lui-même. Il faut donc définir le Destin l'ordre unique qui contient tous les ordres à la fois (03). II. L'essence de l'âme est par elle-même immatérielle et incorporelle, non-engendrée et impérissable ; elle possède par elle-même l'être et la vie, elle se ment par elle-même, elle est le principe de la nature [végétative] et de tous les mouvements du corps. Tant que l'âme reste ce qu'elle est par son essence, elle a en elle-même une vie libre et indépendante. Lorsqu'elle se donne aux choses engendrées, et qu'elle se subordonne au mouvement de I'univers, elle est soumise au Destin et devient l'esclave des nécessités physiques. Lorsqu'elle s'applique à l'acte intellectuel, qui est libre et indépendant, elle fait volontairement ce qui est de son ressort, elle participe réellement de Dieu; du bien et de l'Intelligible. III. Il faut nous
appliquer à mener une vie intellectuelle et divine : car c'est elle seule
qui rend notre âme libre, nous délivre des liens de la nécessité , nous
fait vivre non mi hommes, mais en IV. Pour me résumer, les mouvements produits dans le Monde par le Destin (04) sont semblables aux actes et aux mouvements immatériels et intellectuels [du monde intelligible], et l'ordre du Destin offre l'image de l'ordre pur et intelligible. Les causes du second rang dépendent des causes supérieures, la multiplicité des choses engendrées se rapporte à l'Essence indivisible, de telle sorte que toutes les choses qu'embrasse le Destin sont liées à la Providence suprême.Le Destin est donc uni à la Providence par son essence même ; il en tient son existence ; il en dépend et s'y rapporte. Puisqu'il en est ainsi, le principe en vertu duquel nous agissons est en harmonie avec les deux principes de l'univers [le Destin et la Providence], mais il y a en nous une puissante d'action [l'âme raisonnable] qui est indépendante de la nature et ne subit pas l'influence du mouvenient de l'univers. Elle n'est donc pas contenue dans le mouvement de l'univers : puisqu'elle ne dérive pas de la nature (05) ni du mouvement de l'univers, elle est plus ancienne, et, puisqu'elle ne nous est pas donnée par l'univers, elle est d'un ordre supérieur; mais, comme elle a emprunté certaines parties à toutes les régions du monde ainsi qu'à tous les éléments (06), et qu'elle se sert de ces parties, elle est comprise elle-même dans l'ordre du Destin, elle y concourt, elle y remplit son rôle et en subit nécessairement l'influence. En tant que l'âme renferme en elle-même une raison pure; qui existe et se meut par elle-même, qui a en elle-même le principe de ses actes et est parfaite, elle est indépendante de tout ce qui l'entoure; en tant qu'elle produit d'autres vies [les puissances sensitive et végétative] qui inclinent vers la génération et entrent en commerce avec le corps, elle se trouve liée à I'ordre de l'univers (07). V. Si quelqu'un croit
anéantir l'ordre en introduisant le Hasard et la Fortune; qu'il apprenne
qu'il n'y a dans l'univers rien qui déroge à l'ordre, qui constitue un
épisode, qui n'ait pas de cause, qui VI. Pourquoi donc la
justice distributive [de Dieu] ne s'exerce-t-elle pas ici-bas (09)? C'est une impiété de faire une pareille question : car
les vrais biens ne dépendent pas d'un autre principe que de l'homme et de
sa volonté. Il est reconnu que ce sont les plus importants pour la
volonté, et les doutes que le vulgaire conçoit à cet égard n'ont pas
d'autre origine que son ignorance. La vertu trouve sa récompense en
elle-même. La fortune ne saurait donc rabaisser l'homme vertueux ; sa
grandeur d'âme le met au-dessus de tous les événements. Elle n'est point
d'ailleurs contraire à la nature : l'élévation et la perfection de l'âme
suffisent pour satisfaire ce qu'il y a de meilleur dans l'homme. Les
choses qu'on regarde comme des revers exercent, affermissent et augmentent
la vertu ; sans elles, il n'est pas possible d'être un homme de mérite.
Les gens vertueux préfèrent l'honnête à toutes choses, font consister le
bonheur uniquement dans la perfection de la raison et n'attachent aucun
prix au reste. Puisque c'est l'âme qui constitue l'homme , qu'elle est
intellectuelle et immortelle, son mérite, son bien et sa fin consistent
dans la vie divine, et aucune des choses mortelles ne peut ni contribuer à
la vie parfaite ni diminuer sa félicité. En effet , c'est la vie
intellectuelle qui fait notre béatitude (10) ; or, aucune des choses intermédiaires ne saurait
l'augmenter ni la diminuer. C'est donc à tort que les hommes parlent tant
de la fortune et de ses injustes faveurs. |
(01) Stobée, Eclogae physicae, VI, § 17, p. 184 ;
Eclogae ethicae, VIII, § 41-45, p. 396-406, éd. Heeren. |
FIN DU LIVRE. |